Souffrance au travail : détection, prévention et solutions

Les considérables évolutions dans l’organisation du travail intervenues depuis cinquante ans ont conduit à la fois à des demandes de performances toujours accrues de la part des salariés et à des attentes croissantes en matière de sens et de bien-être au travail. Ces deux tendances contradictoires ont abouti, entre autres, à la reconnaissance de la souffrance au travail, trouble mental qui peut produire des conséquences dramatiques. Il est indispensable aujourd’hui de savoir reconnaître les signes d’une telle souffrance, en comprendre les causes et mettre en œuvre des solutions adéquates pour améliorer la qualité de vie au travail. 

Souffrance-au-travail

Souffrance au travail : de quoi parle-t-on ?

Ce qui définit la souffrance au travail c’est :

 

  • Le fait qu’il s’agisse d’une souffrance mentale,
  • Et que celle-ci soit directement liée à l’environnement et aux conditions de travail.

 

Les causes tout comme les symptômes de cette souffrance varient d’une personne à l’autre. Une pression trop lourde ressentie par un salarié dans l’exercice d’une mission, le manque de soutien de son manager dans une situation difficile peuvent par exemple en être à l’origine. Les symptômes peuvent également être causés par le sentiment de n’être pas considéré à sa juste valeur — financière ou d’estime- par rapport à son travail. Toutefois, ce mal-être a souvent un impact direct sur la santé des individus, pouvant causer des douleurs physiques, voire des maladies, des troubles du sommeil, de la dépression, allant jusqu’à mener certaines personnes au suicide.

Souffrance au travail : exemples et liste

Savoir identifier précisément les symptômes éventuels d’une souffrance au travail permet d’y apporter une réponse adaptée et surtout de réagir au plus tôt. Dans la mesure où cette souffrance revêt des causes protéiformes, de nombreux signes peuvent être annonciateurs de celle-ci :

 

  • un burn-out ou surmenage, 
  • des problèmes de sommeil, 
  • une irritabilité et des changements d’humeur fréquents, 
  • un désintéressement progressif pour les tâches professionnelles,
  • des arrêts de travail à répétition, 
  • des troubles de la concentration,
  • des problèmes d’addiction (en particulier l’alcool, les drogues),
  • la difficulté grandissante de concilier vie professionnelle et vie domestique et familiale, 
  • des absences et des retards fréquents,
  • une propension au conflit, 
  • l’expression fréquente de plaintes sur des douleurs comme une boule au ventre ou des maux de tête, 
  • des demandes réitérées de changement d’équipe ou de mutation, 
  • un isolement professionnel,
  • et une baisse des performances. Ces signes, bien que révélateurs, ne couvrent pas l’ensemble du spectre des problématiques pouvant être rencontrées,
  • des problèmes de relation avec les collègues, les clients ou le public, 
  • des violences,
  • une ou des tentatives de suicide… 

La survenue de plusieurs symptômes ou la répétition d’un seul doivent inciter l’entourage professionnel à dialoguer avec le salarié concerné et à réagir rapidement. La prévention est en effet un aspect majeur dans la gestion de la souffrance au travail. 

 

L’employeur, en collaboration avec le médecin du travail et les représentants du personnel (CSE), doit travailler pour développer un environnement de travail qui favorise le bien-être et la motivation.  

Comment détecter la souffrance au travail ?

Si, on vient de le voir, il existe de nombreux symptômes annonciateurs d’une souffrance au travail, savoir les identifier demande une vigilance permanente et des procédures pour en prévenir les dommages. 

Détecter les souffrances au travail en tant qu’employeur

Les employeurs ont à leur disposition plusieurs outils pour détecter la souffrance au travail. C’est par le dialogue entre le salarié et son manager que, naturellement, les problèmes doivent être détectés. Un manager bienveillant et à l’écoute de son équipe remarquera les signes avant-coureurs d’une souffrance, et cherchera à en parler. Une formation à la détection des signaux faibles et aux risques psychosociaux est un atout. Non obligatoire, une telle formation du management, peu chronophage, permet dans la plupart des cas d’intervenir avant que le salarié s’enfonce dans une vraie maladie.

 

Il faut employer toutes les occasions de dialogue pour tester les salariés sur leur éventuelle souffrance. La passation de questionnaires réguliers qui évaluent la qualité de vie au travail (QVCT) et le bien-être des employés peut donner la possibilité de couvrir des aspects tels que le niveau de stress, la satisfaction au travail ou les problèmes relationnels au sein d’une équipe, et laisser la place à un ressenti individuel.

 

En outre, les entretiens individuels menés par les RH ou les managers peuvent aider à identifier les symptômes de détresse psychologique. Ces entretiens permettent aux salariés de s’exprimer librement sur leur ressenti et peuvent révéler des signes de surmenage, de dépression ou d’autres troubles mentaux. 

Comment prouver la souffrance au travail ?

La question de la preuve est importante. Une migraine, des douleurs ne signifient évidemment pas systématiquement l’existence d’une souffrance spécifiquement liée au travail. Le salarié qui en est l’objet peut vouloir démontrer que ses symptômes proviennent bien de son environnement professionnel.

 

Il peut alors faire appel aux témoignages des collègues, mais aussi à son dossier médical. Les arrêts de travail documentés, les retards et les absences justifiées par des soucis de santé directement en rapport avec son emploi peuvent participer aux preuves. Enfin, des entretiens avec le médecin du travail sont indispensables pour plaider la souffrance au travail. 

Comment réagir face à une souffrance au travail ?

Lorsqu’un cas de souffrance au travail est détecté dans une entreprise, il est impératif de réagir très rapidement et de manière appropriée pour soutenir le salarié concerné et prévenir l’aggravation de la situation.

 

La première étape consiste à fournir un soutien immédiat au salarié. Que la détection de la souffrance provienne du salarié ou de l’employeur, une fois que celle-ci est avérée, ce dernier a l’obligation de prendre des mesures adaptées à la situation.

 

C’est logiquement la direction des ressources humaines et le management qui seront les premiers interlocuteurs du salarié. Après une analyse du problème et des difficultés exprimées par leur collaborateur, ils doivent mettre en place des mesures destinées à améliorer sa condition : adaptation des activités, modification du poste, éloignement d’un environnement jugé toxique, etc. De plus, un adressage à la médecine du travail est indispensable.

 

L’autre interlocuteur du salarié est le Comité social et économique (CSE), qui a une compétence légale pour intervenir sur tout sujet relatif à la santé et la sécurité au travail. Son action, qui peut se faire en collaboration avec la DRH, repose sur l’écoute, le conseil, et, si cela n’a pas été fait préalablement, sur l’alerte à la direction et au service de santé au travail.

 

Le service de médecine du travail est habilité à proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail, ainsi que des aménagements du temps de travail. Un employeur ne peut pas passer outre les propositions de la médecine du travail, sans en justifier les raisons.

13 initiatives pour réduire les souffrances au travail

La souffrance au travail est un enjeu majeur pour les entreprises modernes, qui se doivent de garantir un environnement sain et stimulant pour leurs employés. Savoir repérer les signes d’une souffrance au travail et agir préventivement pour en éliminer les causes sont les deux voies indispensables pour éradiquer ce fléau. Voici 13 initiatives concrètes qui peuvent aider à réduire significativement la souffrance au travail et à améliorer la qualité de vie au travail (QVCT). 

Mettre en place un environnement d’écoute et de prévention

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1. Mettre en place une application QVT/ Santé mentale

Organisez des challenges connectés notamment autour de la santé mentale. Cela vous permettra d’avoir une communication interne simple sur le sujet, et d’aider les équipes à mettre en place des actions préventives.

2. Des évaluations régulières du bien-être au travail

Dans le cadre d’une politique de qualité de vie et des conditions de vie au travail, la mise en œuvre d’évaluations régulières pour mesurer le bien-être et le stress des employés fera remonter tous les ans ou tous les six mois les éventuels problèmes touchant les salariés. Cet outil anonyme est efficace pour alerter le management et la direction sur l’existence de situations de souffrance.

3. Une formation des managers sur la santé mentale

Former les managers à reconnaître les signes même minimes de souffrance au travail et à gérer les situations de stress aide à créer des conditions de veille et de soutien rapides. Alertés sur leur responsabilité en la matière et armés d’un outil qui leur permet d’identifier les premiers signes de souffrance, les managers seront plus à l’écoute, et pourront enrayer l’aggravation de situations problématiques.

4. Mettre en place une politique de prévention des risques psychosociaux

Le développement d’une politique de prévention des RPS est fondamental. Il envoie tout d’abord un signal positif à l’ensemble des salariés. Réunir des salariés volontaires, les représentants du personnel, des RH et de la direction dans des groupes de travail est le moyen le plus sûr de proposer et mettre en place les mesures les plus pertinentes en fonction de la spécificité de l’entreprise. Cela peut faire partie d’un programme plus large de QVCT.

5. Proposer un soutien psychologique H24

La mise en place d’une ligne d’écoute donnera la possibilité à tout salarié de s’exprimer auprès d’un expert à l’écoute et sans lien direct avec l’entreprise. Il pourra recevoir des conseils et se voir proposer des consultations avec un psychologue.

6. Former le personnel en communication non violente

Alerter chacun des risques de souffrance au travail et doter tous les collaborateurs de connaissances élémentaires en communication efficace et non violente pour y remédier est une étape utile pour faire évoluer l’ambiance de travail et la culture d’entreprise. C’est un moyen par exemple d’aider à résoudre les problèmes relationnels au sein d’une équipe ou, plus largement, de l’entreprise.

Introduire des programmes de bien-être au travail

Donner aux salariés les moyens de gérer eux-mêmes leur rapport au travail et les difficultés qu’ils y rencontrent est l’une des clés d’une politique visant à éliminer la souffrance au travail.

7. Des programmes de gestion du stress

Offrir aux salariés la possibilité de participer à des ateliers dans l’entreprise sur la gestion du stress leur donne des outils pour travailler sur eux-mêmes. À base de travaux sur la respiration inspirés de la sophrologie et de conseils pour aborder des moments de stress intenses, ces ateliers donnent aux collaborateurs les moyens de pratiquer à tout moment des exercices faisant diminuer fréquence cardiaque et idées noires.

8. Des programmes bien-être et santé mentale en entreprise

Donner l’opportunité aux salariés de participer à des sessions liées au bien-être sur leur lieu de travail favorise grandement, c’est leur permettre d’évacuer les tensions et de se sentir mieux dans leur corps comme dans leur tête. Des massages, des cours de yoga ou de méditation par exemple sont idéaux, en offrant des ressources pratiques pour améliorer santé physique et mentale. 

Faire évoluer la culture d’entreprise

Enfin, les pratiques dans l’entreprise doivent pouvoir évoluer pour favoriser le bien-être des salariés et réduire les tensions.

9. Mieux reconnaître l’engagement des collaborateurs

Il s’agit de mettre en place une culture d’entreprise qui reconnaît les efforts et valorise les contributions individuelles. Cela va des encouragements ou félicitations informels de la part d’un manager jusqu’à une politique salariale de promotions claire et motivante.

10. Procéder à une révision des objectifs et des charges de travail

Lorsque de nombreux retours de salariés pointent des charges de travail trop lourdes, voire inéquitablement réparties, il est indispensable de revoir les charges de travail pour s’assurer qu’elles restent raisonnables, afin de prévenir la surcharge et le burn-out. Cela peut s’insérer dans une révision complète des méthodes de travail.

11. Améliorer l’environnement physique de travail

Des bureaux trop exigus, des matériels et équipements obsolètes ou peu ergonomiques risquent de contribuer à une ambiance de travail dégradée. Investir dans un environnement de travail confortable et attractif est un moyen de réduire la fatigue physique et mentale tout en manifestant l’intérêt porté par l’employeur au cadre de vie de ses salariés.

12. Renforcer les politiques de santé et sécurité

Prévenir les accidents du travail ainsi que les maladies professionnelles doit être une priorité pour l’entreprise. Au-delà de la réduction effective des accidents et des arrêts de travail, cela participe à une baisse du stress collectif.

13. Aménager les horaires de travail

Le difficile équilibre entre vie professionnelle et vie familiale et privée peut être en partie amélioré par une politique souple d’horaires de travail. Promouvoir le télétravail pour ceux qui s’y intéressent, proposer des horaires flexibles pour commencer et terminer sa journée de travail, etc., sont des moyens efficaces pour diminuer les tensions.

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Les organismes à contacter en cas de souffrance au travail

En cas de souffrance au travail, un salarié ne doit pas hésiter à en parler. Voici une liste non exhaustive d’organismes vers lesquels il peut se tourner.

 

  • La médecine du travail. Le premier point de contact peut être le médecin du travail qui va évaluer la situation médicale et fournir des recommandations spécifiques pour des aménagements ou des traitements.

 

  • Le comité social et économique (CSE). Les représentants du personnel au CSE doivent offrir un soutien et agir comme médiateurs entre les salariés et la hiérarchie.

 

  • L’inspection du travail. En cas de violations des droits des travailleurs ou de problèmes de sécurité, l’inspection du travail est l’interlocuteur à privilégier.

 

  • Les syndicats. Ils offrent un soutien et des conseils juridiques, et peuvent aider à résoudre les conflits. Il faut s’adresser aux représentants syndicaux des salariés dans l’entreprise.

 

  • Des associations spécialisées. Des associations comme Souffrance et Travail offrent du soutien et des informations précieuses. 

Comment aider un collègue victime de souffrance au travail ?

Voici quelques recommandations à suivre lorsqu’une personne semble victime de souffrance au travail.

 

  • Reconnaître les signes. Soyez attentif aux changements de comportement, tels que le retrait social, la perte de motivation, ou les signes de détresse psychologique.
  • Engager le dialogue. Approchez votre collègue de manière discrète et bienveillante, encouragez-le à parler de ses problèmes sans juger.

 

  • Offrir du soutien. Montrez que vous êtes là pour aider, que ce soit en écoutant ou en proposant de l’aide pour certaines tâches.

 

  • Informer des ressources disponibles. Encouragez votre collègue à utiliser les ressources internes comme le RH, le CSE ou le médecin du travail, et des ressources externes si nécessaire.

 

  • L’accompagner si besoin. Proposez-lui de l’accompagner à un rendez-vous avec le service RH ou le médecin du travail s’il se sent intimidé ou mal à l’aise de le faire seul.

 

  • Assurer le suivi. Continuez à offrir votre soutien et vérifiez régulièrement comment votre collègue se sent, tout en respectant son besoin d’espace et de confidentialité.